dimanche 2 novembre 2008

Républicains et démocrates : visions d'Europe, vision d'un monde

Quel usage de l’Europe pour le prochain patron de Maison Blanche ?

Les citoyens européens ont fait leur choix : le candidat démocrate a la faveur des peuples. L’argument le plus tangible, au delà des symboles qu’incarne Obama, est certainement le rapport qu’ont entretenu les présidents démocrates avec leurs partenaires internationaux, plus emprunts de multilatéralisme que ne l’étaient les républicains. Historiquement, le meilleur allié des européens restent les États-Unis. Mais encore faudrait-il que cela soit réciproque. Ce n’était pas le cas ces huit dernières années, d’où la crainte de voir le mandat républicain prolongé.

Sur de nombreux enjeux qui concernent l'avenir de l'Europe et du monde, nous avons un besoin impérieux des États-Unis, deux exemples :

D’une part le sommet sur le Climat de Copenhague en 2009. Pour pouvoir arriver à un accord international en la matière, le ralliement des États-Unis est indispensable. L’Europe peut , seule, se contraindre à tous les efforts pour réaliser son ambition environnementale (c'est le cas du paquet énergie-climat), les progrès réalisés n’auraient que peu de sens s’ils n’était pas partagés par nos partenaires internationaux, et en premier lieu les plus grands consommateurs d’énergie au monde, et de loin, les Américains. On compte peut-être à tort sur Barack Obama, mais rien ne peut-être pire que la politique de Bush.

Une autre illustration : la crise financière. Le premier sommet du G8 élargi autour de Washington n'enthousiasme pas les conservateurs, pour quelque temps encore au pouvoir. Ils se seraient volontiers contentés d’une déclaration de principe, qui n’aurait en rien remis en cause la dérégulation du système financier mondial. Il apparaît en la matière que les démocrates sont les plus volontaires, à la satisfaction des chefs d’états européens.



On peut considérer bien-sûr qu’Obama n’est pas le plus multilatéraliste des Démocrates (malgré les espoirs soulevés par le fameux discours de Berlin), et que, période électorale oblige, l’écart qui le sépare de son homologue républicain se réduit significativement sur le plan des relations avec l’Europe. Le sujet n’est pour ainsi dire jamais abordé par les candidats, les questions internationales se résument au terrorisme, à l’armée. Méfions nous aussi du double jeu d’un Président qui, fort de sa popularité auprès des peuples, en profiterait pour rallier les chefs d’Etats à des causes que les uns comme les autres réprouvent en fait. Il faut surtout se résigner à ce que, quelque soit le président élu, la ligne politique internationale de son prédécesseur ne soit pas fondamentalement modifiée, trop occupé qu’il sera de défendre les intérêts court-termistes de son État, trop engoncé aussi dans une contingence internationale très défavorable. Mais l’avantage démocrate à ce niveau sera significatif puisqu’Obama aurait avec lui la majorité au Sénat et à la Chambre des représentants, à la différence d’un Mc Cain plus affaibli.

Les républicains donc, ont une tendance marquée à l’unilatéralisme ou plus précisément au bilatéralisme : ils règlent les problèmes internationaux au coup par coup, directement avec l’Etat concerné et souvent au mépris de la contingence régionale.

Notons que Mc Cain n’est pas ami du tout avec les néo-conservateurs qui entourent Bush, éclairés (mais par la foi donc… illuminés), et qu’ils se mènent une guerre interne depuis longtemps. Cette fois l’élection se jouera donc au centre, ce qui brouille les pistes de la politique menée en fait par l’élu. Il reste évidemment patriote, dans une acception oubliée en Europe occidentale. Et va-t-en guerre: On se souviendra au delà de l’anecdote de cette remarque de John Mc Cain à un journaliste qui lui demandait ce qu'il compterait faire de l'Iran une fois élu: « Je me souviens d'une chanson d'ACDC: boum boum boum! » Le ton est donné.

On doit aussi prendre en compte l’influence des Républicains “libertariens”: ceux qui veulent encore moins d'État qu’aujourd’hui, dans tous les domaines, et qui prônent l'isolationnisme total en matière d’affaires internationales. Cette mouvance est représentée par Ron Paul, qui sera aussi l'un des treize candidats à la Maison Blanche mardi prochain. Et malgré leur peu de raisonnance ici en Europe, il faut compter sur leur influence après l’élection d’un républicain.

Reconnaissons tout de même le réalisme de notre partenaire américain: démocrate ou républicain, il ne considère pas, à juste titre, l’UE comme un partenaire unique, cohérent, et crédible ; il sait en user opportunément, puisque l’Europe elle-même ne parvient pas à dépasser ses divisions internes.

Quelque soit le résultat de l’élection mercredi, l’Union Européenne pourra difficilement se retrouver dans une situation pire que celle que nous connaissons aujourd’hui vis à vis des USA: la crise qu’ils traversent, tant d’un point de vue économique que militaire, rend peu vraisemblable le fait qu’ils continuent à faire cavalier seul à l'échelle internationale: Ils n'en n'ont plus les moyens.



Aux Nations-Unies, on ne se gêne plus pour afficher son soutien au candidat démocrate, avec l'espoir que celui-ci réhabilitera un peu les institutions internationales, foulées allègrement du pied par W.

Le plan Paulson et les dépenses liées à la crise vont encore alourdir (si c’est possible) l’abyssal déficit budgétaire américain de 3%, ce qui devrait l’amener à plus de 10% du PIB. On est loin des 3% approximatifs du pacte européen de stabilité et de croissance!

Cette situation va obliger les États-Unis à reconsidérer leurs relations extérieures, notamment avec l’Asie (Chine et Japon) qui grâce à ses excédents budgétaires rachète massivement depuis des années et aujourd’hui d’autant plus, les bons du trésor américain.

Quelle que soit leur vision de l’Europe affichée en période de campagne ou sur le long terme, l’allié historique des État-Unis, même mal traité, redeviendra un partenaire indispensable du prochain président américain. Dans la situation désastreuse dont il hérite, et malgré les fanfaronnades médiatiques des candidats, le prochain président ne pourra négliger aucun de ses partenaires, et surtout pas le premier d’entre eux : nous, l’Europe.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

logo Obamania