vendredi 31 octobre 2008
Emmanuel Todd, un inquiétant prophète.
De la chute des empires soviétique et… américain
Les démocrates l'ont rencontré lors de leur convention sur l'Europe ; on ne présente plus cet auteur (cf. article ci-dessous : un noir au seuil de la maison blanche), qu’on pourrait qualifier de chevènementiste en termes politiques, mais qui va bien au-delà de cette triste restriction, puisqu’il incarne à lui seul (dernier mohican) l'unique figure contemporaine de l’intellectuel français (rare spécimen d’une espèce disparue). En 1973, jeune démographe sortant de l’université et âgé alors d’à peine 25 ans, il annonçait au monde dans l’indifférence générale la chute du mur de Berlin et des régimes soviétiques.
Il se basait pour cela essentiellement sur des données démographiques, mais sa connaissance encyclopédique des sociétés humaines l’emmenait déjà bien au delà de la (seule) science humaine dure.En 1983, il publiait ses thèses de fin d’étude en une œuvre fondamentale (et à lire à tout prix) : La Diversité du Monde. Il y détaillait une théorie complète du rapport entre les structures familiales et la modernité (l’éducation) d’une part, les systèmes idéologiques d’autre part, et le développement des sociétés enfin. On pouvait alors voir exploser l’étendue de sa science, et la troublante justesse de son analyse, qui s’appliquait à toutes les sociétés humaines dans leur diversité dans une capacité globale à éplucher nos cultures et à les expliquer par les données simples du rapport qu’a chacun de nous à ses parents et à sa fratrie.
Comme tout modèle a ses défauts — et son créateur encore plus en l’occurrence —, en bon universaliste qui se respecte, on est fatalement d’autant plus enclin à la critique à son égard que nos valeurs fondamentales, notre culture et notre instinct, tendent à aller à l’encontre d’une théorie sociologique qui par nature divise, segmente, catégorise l’humanité.
Cependant ce premier ouvrage précoce, prophétique même qui annonçait 16 ans avant les faits, la chute du système dominant l’Europe de l’Est crédibilisait d’autant une théorie généralisée plus tard et déjà extrêmement tangible.Que de superlatifs pour en venir enfin à ce qui nous intéresse ici et à un constat inquiétant :
Emmanuel Todd a connu son premier véritable succès de librairie en 2002 avec « Après l’Empire », ouvrage dans lequel il annonce cette fois la chute de l’empire américain.
Si l’on ne remettra pas en cause les fondements de cet oracle (on ne va fouiller ici les entrailles de ce livre), l'on pourrait au moins s’interroger ensemble, tout particulièrement dans la situation économique toute récente, sur les conséquences et notamment sur la démocratie, que pourrait avoir si ce n’est la disparition, au moins le déclin sensible de la plus grande d’entre elles.
Je ne saurais vous recommander plus chaudement de lire Todd. Si la théorie pure vous retient (bien que très accessible et même ludique en l'occurrence dans l’écriture et le contenu), contentez-vous pour commencer d’un ouvrage qui réduit le trop influent Huntington (The clash of civilisations) à l’état de néant intellectuel, comme Le Rendez-vous des Civilisations (2007), coédité au Seuil avec Youssef Courbage, ou d’une théorie de l’intégration passionnante par une étude comparée des situations des immigrés en France, en Allemagne, en Angleterre et aux Etats-Unis justement : Le Destin des immigrés (1994).
Lisons Todd, aussi dérangeant que cela puisse être, nous nous comprendrons mieux !
Les démocrates l'ont rencontré lors de leur convention sur l'Europe ; on ne présente plus cet auteur (cf. article ci-dessous : un noir au seuil de la maison blanche), qu’on pourrait qualifier de chevènementiste en termes politiques, mais qui va bien au-delà de cette triste restriction, puisqu’il incarne à lui seul (dernier mohican) l'unique figure contemporaine de l’intellectuel français (rare spécimen d’une espèce disparue). En 1973, jeune démographe sortant de l’université et âgé alors d’à peine 25 ans, il annonçait au monde dans l’indifférence générale la chute du mur de Berlin et des régimes soviétiques.
Il se basait pour cela essentiellement sur des données démographiques, mais sa connaissance encyclopédique des sociétés humaines l’emmenait déjà bien au delà de la (seule) science humaine dure.En 1983, il publiait ses thèses de fin d’étude en une œuvre fondamentale (et à lire à tout prix) : La Diversité du Monde. Il y détaillait une théorie complète du rapport entre les structures familiales et la modernité (l’éducation) d’une part, les systèmes idéologiques d’autre part, et le développement des sociétés enfin. On pouvait alors voir exploser l’étendue de sa science, et la troublante justesse de son analyse, qui s’appliquait à toutes les sociétés humaines dans leur diversité dans une capacité globale à éplucher nos cultures et à les expliquer par les données simples du rapport qu’a chacun de nous à ses parents et à sa fratrie.
Comme tout modèle a ses défauts — et son créateur encore plus en l’occurrence —, en bon universaliste qui se respecte, on est fatalement d’autant plus enclin à la critique à son égard que nos valeurs fondamentales, notre culture et notre instinct, tendent à aller à l’encontre d’une théorie sociologique qui par nature divise, segmente, catégorise l’humanité.
Cependant ce premier ouvrage précoce, prophétique même qui annonçait 16 ans avant les faits, la chute du système dominant l’Europe de l’Est crédibilisait d’autant une théorie généralisée plus tard et déjà extrêmement tangible.Que de superlatifs pour en venir enfin à ce qui nous intéresse ici et à un constat inquiétant :
Emmanuel Todd a connu son premier véritable succès de librairie en 2002 avec « Après l’Empire », ouvrage dans lequel il annonce cette fois la chute de l’empire américain.
Si l’on ne remettra pas en cause les fondements de cet oracle (on ne va fouiller ici les entrailles de ce livre), l'on pourrait au moins s’interroger ensemble, tout particulièrement dans la situation économique toute récente, sur les conséquences et notamment sur la démocratie, que pourrait avoir si ce n’est la disparition, au moins le déclin sensible de la plus grande d’entre elles.
Je ne saurais vous recommander plus chaudement de lire Todd. Si la théorie pure vous retient (bien que très accessible et même ludique en l'occurrence dans l’écriture et le contenu), contentez-vous pour commencer d’un ouvrage qui réduit le trop influent Huntington (The clash of civilisations) à l’état de néant intellectuel, comme Le Rendez-vous des Civilisations (2007), coédité au Seuil avec Youssef Courbage, ou d’une théorie de l’intégration passionnante par une étude comparée des situations des immigrés en France, en Allemagne, en Angleterre et aux Etats-Unis justement : Le Destin des immigrés (1994).
Lisons Todd, aussi dérangeant que cela puisse être, nous nous comprendrons mieux !
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structures familiales,
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Pourquoi les articles (notamment les bons, comme celui-ci) ne sont pas signés?
RépondreSupprimerj'aime bien savoir qui je lis, moi!
Salut Guillaumed,
RépondreSupprimertous les articles sont signés Cyril et martin, les coauteurs du blog (voir qui sommes nous dans onglet "projet"), même les mauvais!
(ou dans ce cas c'est signé plus lui que moi...;)
si un article te semble pêcher, n'hésites pas à nous le faire savoir aussi.
merci à toi!
Article très intéressant.
RépondreSupprimerE.Todd a notamment étudié en Angleterre : un passage obligé, selon moi, pour bien comprendre la portée de son essai (à savoir Le Destin des Immigrés), reconsidérer les différentes perceptions de l'altérité.
Il reste fort dommage que certains ne comprennent rien à ses écrits et se contentent de "copié-collé" - avec des formats erronés - de modes-de-faire anglo-saxons.
En ce moment, précisément dans notre pays, je trouve criminel de laisser perdurer les actuelles ratatouilles et bouillabaisses intellectuelles au sujet des questions ultra-marines, de la diversité ou autres mots gadgets.
Très bon article donc.